Cette technique a d’abord été proposée dans le monopontage mammaire de l’IVA qui est aisé pour deux raisons :
- L’IVA est d’accès facile bien exposée par rapport au champ opératoire. La situation étant tout autre pour la coronaire droite, la circonflexe et leurs branches, dont l’accès requiert la luxation du cœur qui peut être mal toléré sur le plan hémodynamique et nécessiter une surveillance permanente des courbes de pression pour arrêter la manœuvre dès l’apparition de signes de mauvaise tolérance hémodynamique.
- Le pontage mammaire ne nécessite pas la manipulation de l’aorte comme dans le pontage saphène pour la réalisation de l’anastomose proximale étant donné que la mammaire interne prend naissance directement de l’artère sous clavière. L’absence de geste sur l’aorte se traduit par une baisse des AVC à point de départ de l’athérome aortique.
Le Dr Ghorayeb montre dans la première partie de ce film très didactique la possibilité de revascularisation d’un tritronculaire en utilisant plusieurs pontages saphènes malgré les difficultés énumérées ci-dessus et la faisabilité de cette intervention quand elle est pratiquée par une équipe expérimentée.
Le film s’ouvre sur un détail crucial relatif à la réalisation des pontages saphènes. Il montre qu’il faut débuter par l’anastomose proximale de ces pontages sur l’aorte après clampage latéral de celle-ci. L’anastomose distale sur la coronaire cible ne sera faite que bien plus tard. Après la pratique de l’anastomose proximale du pontage saphène sur l’aorte, on débute par le pontage mammaire sur l’IVA qui doit être pratiquée en premier pour s’assurer l’irrigation de ce vaisseau principal avant d’aborder les autres pontages coronaires.
Dans le deuxième acte on observe la manipulation du cœur sous la couverture de la surveillance des courbes hémodynamiques pour réaliser l’anastomose distale du pontage saphène sur l’artère marginale et dans le troisième acte idem pour réaliser l’anastomose distale du pontage saphène sur l’IVP et la retroventriculaire (les anastomoses proximales sur l’aorte des pontages saphènes étant déjà pratiqués en début de l’intervention comme on l’a vu avant la réalisation du pontage mammaire).
La deuxième partie du film montre une intervention sans manipulation de l’aorte dite le « non-touch », avec utilisation exclusive de pontages artériels « le tout artériel ». Il s’agit en l’occurrence de l’artère mammaire interne droite utilisée en pontage artériel sur deux artères marginales en séquentiel. Il est possible d’effectuer jusqu’à six pontages artériels sans toucher l’aorte et ceci en utilisant la mammaire interne gauche et la mammaire interne droite qui est anastomosée en Y ou en T sur la gauche. Le tout artériel est d’autant plus préconisé avec cette technique que les pontages artériels pratiqués à cœur battant se sont révélés aussi perméables que ceux pratiqués avec une CEC alors que les pontages veineux sont moins perméables dans le cœur battant ou sous CEC.
Les avantages du cœur battant sont évidents (pas de CEC, moins de transfusion, moins de risque infectieux, moins de FA dans le post op). Toutefois, les résultats de morbimortalité ne sont pas supérieurs aux pontages avec CEC sauf en ce qui concerne les AVC qui sont nettement moindre sous cœur battant surtout avec les pontages artériels qui ne nécessitent pas la manipulation de l’aorte. Le « non-touch » est à privilégier dans le cœur battant car les pontages artériels sont aussi perméables que ceux pratiqués sous CEC mais avec nettement moins d’AVC. Cette technique trouve sa place dans le monopontage mammaire sur IVA, qui ne demande pas une expertise très grande de la part des chirurgiens mais cette indication est rare car ce genre de patient est souvent pris en charge par l’angioplastie. L’autre indication, ce sont les pontages multiples chez des pluritronculaires ayant un terrain à risque élevé notamment d’AVC, mais dans ce cas il faut s’adresser à des équipes très expérimentées et spécialisées dans le cœur battant.
Dr François Boustani |